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À noter que ce texte n'est en rien inspiré des récents événements français, quoi qu'on puisse en penser. Il a été écrit après lecture d'un roman suédois, qui m'a inspiré des sensations et des images (alors même que son sujet n'a pas grand-chose à voir avec le mien, mais ça ce sont les mystères de l'imaginaire !), et traite avant tout de la solitude, non du problème des banlieues. La société décrite n'est pas la nôtre. À bon entendeur...

 

Assise derrière sa fenêtre, immobile, elle regarde dehors. Les yeux vides, comme deux étendues d’eau sombre et marécageuse, zébrées d’éclats verdâtres. Ses paupières clignent à intervalles réguliers, seul signe de vie dans ce visage inexpressif. Quelque passant dans la rue qui lèverait le regard vers sa fenêtre ne distinguerait probablement qu’une silhouette aux contours incertains, une poupée de cire grandeur nature, très pâle, comme éthérée. 
Le jour tombe, la lumière a cette consistance particulière qui fluidifie toutes choses, les rend floues, indistinctes. Tout est encore possible, et pourtant tout est déjà mort. 

L’appartement semble vide, comme si aucune présence n’habitait ces lieux. Une pièce unique, faisant office de salon, chambre à coucher, salle à manger. Une petite cuisine où la poussière recouvre tout, même les assiettes qui trempent dans l’évier. L’eau grisâtre se pare d’une fine pellicule triste, qui noie la crasse, la rend presque invisible. Une minuscule salle de bain, aux murs d’un beige passé, douteux. Pas d’objets personnels, de souvenirs, de photos. Aucun visage souriant pour égayer cette solitude désespérante. 
La chaleur écrase le décor, fait vibrer l’air pourtant immobile. 

Elle est à sa fenêtre et regarde dehors.

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Montréal,
Le 15 juillet 2006

* latin "par (un mouvement de) colère"

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