Haïkus hebdomadaires

Tous les textes sont Tous droits réservés © Julie Turconi (autorisation ou reproduction interdite sans l’accord de l’autrice)

premiers flocons
noyés sous la bruine ~
du sucre dans mon thé

Premiers flocons alors même que l’Halloween n’est pas encore passée. J’ai beau aimer l’hiver, je trouve ça bien tôt. Mais je n’ai pas grand chose à craindre, car à Montréal, ces précurseurs de la saison froide se sont vite retrouvés noyés par la pluie… et ce n’est pas vraiment mieux! Ah la la, jamais contente, la madame! 😉

le rouge pâlit
et la sève se tarit ~
la fin d’un cycle

Les couleurs semblent se diluer sous l’eau ce matin. Oui, c’est bien la fin d’un cycle, mais lequel? Le cycle des saisons, celui de la lune ou des menstrues? À vous de choisir…

vingt-six octobre ~
de la buée sur mes lunettes
quand je passe la porte

Clairement l’indicateur le plus fiable de l’arrivée du froid. Il va falloir ré-apprendre à tâtonner pour défaire les bottes et accrocher manteau, gants et tuques sur la patère. La buée opacifie mon univers, l’absence de lunettes le brouille, rendant le monde quelque peu fantasmatique.
Blanc bonnet et bonnet blanc.

fraîcheur matinale ~
les bruants se taisent
et gonflent leurs plumes

Les oiseaux se font moins bavards et moins rieurs, ces jours-ci. Ils se gardent au chaud. Plumes gonflées, on pourrait les croire obèses, mais ce serait oublier leur légèreté incroyable et leur capacité à créer des couches d’air entre leurs plumes! Après tout, quand je superpose les épaisseurs (maillot de corps, t-shirt, pull, veste, manteau), j’ai moi aussi l’air d’un bonhomme Bibendum!

crise d’arthrose ~
le vent met en déroute
les dernières feuilles

Je ne peux gonfler mes plumes pour me réchauffer, je superpose donc les couches de vêtements. Même principe. Mais avec l’humidité de l’automne, le froid pénètre parfois jusqu’au fond des os, réveillant les douleurs articulaires de l’âge. Les oiseaux ont-ils de l’arthrose, eux?

froid piquant du matin ~
le dernier bouton de rose
ne s’ouvrira plus

Chaque année, mon vaillant petit rosier tente une deuxième floraison. Parfois, ça fonctionne. D’autres fois, la saison se rappelle brutalement à lui et je ne peux qu’assister sans rien dire à leur affrontement. Cette année, l’automne et son froid mordant ont gagné.

tempête d’automne ~
des tourbillons de feuilles
dessinent le monde

J’aime tant ces jours où le froid et le vent se combinent pour faire tomber et danser les toutes dernières feuilles sur la rue. C’est un spectacle en soi, dont je profite avant l’entrée dans novembre, un mois de ville grise, triste sans ses feuilles, en attente de son manteau d’hiver et des lumières de fin d’année. Heureusement, c’est aussi le mois des premiers feux dans le poêle à bois…

danse des feuilles
poussées par la bourrasque ~
un chat immobile

C’est aussi l’occasion de prendre de belles photos de mon vieux matou, au soleil, collé contre le mur de la maison, qui regarde avec attention tout ce qui bouge autour de lui! Ses yeux sont vifs, mais il n’a aucune intention de partir en fou après le vent… C’est bien là toute la sagesse d’une vie.

arbres dénudés ~
bientôt le ramonage
du poêle à bois

C’est un signe. La nature m’annonce qu’il est plus que temps de m’occuper de mon poêle à bois. Comme toujours, je l’écoute. Les feux sont un des plaisirs de l’hiver et, comme les haïkus, ils sollicitent plusieurs de nos sens. Il est tellement facile de se perdre dans la danse des flammes, les craquements du bois, les odeurs d’encens de certaines essences, la chaleur enveloppante du brasier…

Mais ce matin, au moment de publier, je lis les nouvelles. À Québec, un homme en costume médiéval a profité de l’Halloween pour tuer deux personnes et en blesser cinq autres… et je ne peux m’empêcher de me demander dans quel monde nous vivons, et pourquoi je ne peux rester encore un moment dans le monde tracé par les tourbillons de feuilles, qui semble soudain tellement plus poétique et beau, malgré la déchéance ultime des feuilles.

jour des morts ~
l’Halloween s’est transformée
en film de peur

Le vent se lève, la pluie revient. Le monde semble se mettre sur pause. Mais tout passe. Tout est impermanence. Et la vie continue, envers et malgré tout. La mort aussi. Avec ou sans nous.

le vent se calme enfin ~
derrière la vitre
je soupire



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