Un intermède poétique

Mes haïkus (presque) hebdomadaires (mensuels, cette fois!)… Comme d’habitude, tous les textes sont Tous droits réservés © Julie Turconi (utilisation ou reproduction interdite sans l’autorisation de l’autrice). Merci!

Le printemps s’invite dans mon quotidien, de plus en plus présent et de plus en plus plaisant. Douceur de l’air, promesses de fleurs, semis de légumes, l’été se prépare! Gardons les yeux grand ouverts, c’est la saison de tous les possibles.

premier avril
les bourgeons se pelotonnent
sous les flocons

lent dégel
de la terre du jardin
semis intérieurs

Voici venu le temps du lent réveil de nos précieux insectes, et celui du retour des migrateurs, ces belles oies si bruyantes et chicaneuses, qui survolent la ville en claironnant leur passage. Les étangs du jardin botanique en accueillent quelques-unes qui trouvent l’endroit bien accueillant. Je ne peux décemment pas leur en vouloir, même si elles troublent quelque peu la paix des lieux…

chicane de couple
sur l’eau les oies répondent
aux plaintes du vent

premier papillon
derrière mes paupières
des taches noires

magnolias en fleurs
dans le sillage du coureur
un parfum âcre

bourgeons de lilas
en bouquets collés serrés
mes mains grand ouvertes

Le printemps, c’est aussi la pluie. Bienfaitrice, nourricière, déprimante en trop grande quantité. Et justement, les jours de pluie s’enchaînent. Des jours où le temps semble s’écouler en gouttes lourdes entre nuages et terre, sablier cosmique qui résonne dans ma tête. Un étau se resserre, et le café ne semble plus avoir beaucoup d’effet. Mon corps réclame le repos, se recroqueville comme les pousses sous la pluie un peu trop forte, dans l’attente d’une inéluctable éclaircie. Il est plus que temps de l’écouter.

le monde à l’envers
goutte à goutte vers le sol ~
la migraine monte

le pommier tremble
sous la pluie battante
le chat à la fenêtre

jour de pluie
le raisin se mange
grain après grain

vent de tempête
sur Pie IX les orignaux
impassibles

Ceux qui sont déjà passés par le boulevard Pie IX, à Montréal, direction sud en longeant le jardin botanique, n’ont pu manquer d’avoir l’œil attiré par les deux gigantesques originaux trônant dans l’espace gazonné d’un duplex, en bord de route. Faux, bien sûr, mais en taille réelle (près de 2 mètres au garrot). Sursaut garanti.
Quand le soleil revient enfin, je lâche tout, j’enfile mes chaussures et je sors marcher. Profiter du ciel bleu, des éclats de couleurs des fleurs, des rencontres impromptues dans la forêt…

petit matin clair
le concert des grenouilles
sur l’étang endormi

le bruit de mes pas
dans le silence du bois
une coulée de renard

J’hésite à la suivre, puis décide de laisser la bête tranquille. J’ai déjà eu la chance de la croiser, accompagné de son renardeau de l’année, et c’est bien suffisant. Une telle rencontre me remplit de joie et de gratitude, tout comme la vision des jolis canards branchus sur l’étang, de l’hirondelle bicolore, des abeilles affairées… Les petits choses qui nous entourent sont emplies de beauté, il me suffit de la laisser entrer dans mon cœur.

Mes pas s’allègent, le temps suspend son vol et je rentre chez moi.

     



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