Haïkus d’automne

Mes haïkus du quotidien. Comme d’habitude, tous les textes sont Tous droits réservés © Julie Turconi (utilisation ou reproduction interdite sans l’autorisation de l’autrice). Merci!

L’automne a officiellement commencé, tout comme le ‘nouveau’ gouvernement est officiellement élu. Rien n’a vraiment changé, dans le fond. Les jours s’étirent, un peu moins longtemps chaque jour. La chaleur s’accroche encore un peu, par vagues lourdes et lentes. Le ciel se remplit d’immensité et les timides couleurs des arbres me donnent envie d’aller marcher, me perdre en nature, trouver refuge au cœur de la forêt, loin des spectacles humains et des guerres électorales qui me ramènent bien trop souvent en arrière, dans une cour d’école que je croyais pourtant avoir quittée depuis longtemps : « c’est pas moi, c’est l’autre! »

lendemain d’élection
rien n’a changé ou si peu
les feuilles tombent

le vent emporte
les cris des bernaches
je m’enracine

Je bouge lentement, dans la conscience de l’air sur ma peau, les pieds solidement plantés dans la terre. Des brins d’herbe me chatouillent les chevilles, le soleil chauffe la peau de mes bras… Le Tai Ji m’ancre dans le moment présent aussi sûrement que la peinture.

du pastel plein les doigts
le peintre colore sa toile
douceur d’automne

tiédeur de l’air
les poivrons s’ensoleillent
dans la serre

Dans le jardin, les fleurs se raréfient, les grandes feuilles de courge se dessèchent et les animaux s’affairent à préparer l’hiver qui ne manquera pas d’arriver, un jour ou l’autre, encore lointain. Il n’est encore aujourd’hui qu’un rêve un peu flou. Une illusion vaporeuse, blanche et glacée, qui ne se laisse deviner que dans la fraîcheur du petit matin. En attendant, chacun profite comme il peut des dernières chaleurs.

soleil brûlant
un rapace attend son tour
pour se baigner

le rouge aux joues
l’automne à bicyclette
dans les rues

Je pédale, heureuse d’avoir repris le vélo depuis deux ans. La pandémie n’a pas eu que de mauvais côtés. Je ralentis, je prends le temps d’admirer un grand érable dont le faîte brille dans les rayons dorés de la fin d’après-midi. Mais je ne dois pas trop m’attarder, la pluie arrive. On la sent déjà dans l’air, dans le vent qui se fait plus dense et plus frais, dans les nuages qui s’amoncellent tout là-haut, dans le vol pressé des corneilles. Quelques gouttes tombent alors même que je rentre mon fidèle coursier vieillissant dans le cabanon. La rouille s’empare peu à peu de son cadre, de ses rayons… Ni lui ni moi ne sommes bien rapides, je dois en convenir. Un genou fatigué, une douleur ici ou là, mes jambes n’appuient plus aussi vigoureusement sur les pédales et la ville se charge, tout autant que mon corps, de me rappeler qu’il est vital de ralentir et de regarder autour de moi. Tant que je le peux encore. Car les jours s’écoulent en un flux continu et véloce, à l’image du torrent qui dévale à présent le caniveau. Rien n’arrête l’eau. Ni le temps.

pluie diluvienne
j’étends mon linge
dans le sous-sol

éclaircie soudaine
une épeire diadème
tisse sa toile

J’admire cette belle chasseresse, sa toile tendue entre deux branches d’arbres, prouesse de savoir-faire et d’acrobatie, demeure éphémère, témoin de toute la résilience de ce qui nous entoure. Le monde tourne, les étoiles dansent et la musique de la vie s’égrène. Seuls ceux qui savent encore rêver la perçoivent…
Des draps tout propres, qui sentent le soleil et l’automne, me tendent les bras.

le fleuve s’étire
en un long ruban de rêves
la nuit m’emporte

    



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