Haïkus de mars

Mes haïkus (presque) hebdomadaires… Comme d’habitude, tous les textes sont Tous droits réservés © Julie Turconi (utilisation ou reproduction interdite sans l’autorisation de l’autrice). Merci!

Ces jours-ci ont un air de printemps, comme un avant-goût de douceur et de vêtements plus légers… même si on sait pertinemment que l’hiver n’a pas dit son dernier mot et qu’il peut encore frapper fort! Dans l’intervalle, je savoure.

tire sur la neige
dans les troncs des érables
la sève monte

un reste d’hiver
sur le bout de ma langue
première tire

La tire d’érable sur la neige, c’est un incontournable du printemps québécois, la saison des sucres. Un délicieux symbole du printemps, de la sève qui monte dans les troncs des érables, mais avec une petite touche d’hiver : cette neige qui colle parfois à la tire, fraîcheur en bouche qui contraste avec le sucré (ultra sucré!) collant de la tire. On repart avec les doigts poisseux, un gros « rush » de sucre dans le corps et un grand sourire aux lèvres!
Un beau contraste avec la semaine précédente, qui nous avait amené une descente subite du mercure vers le bas du thermomètre, un vent piquant et brûlant à la fois, de la glace sur les pistes cyclables et les sentiers de marche…

un dernier sursaut
de l’hiver en robe polaire
mon souffle court

mercure au plus bas
en sueur dans les rafales
je pédale

Au final, une semaine de froid intense et de vent, mais aussi de grand soleil et de grand plaisir à pédaler dans l’hiver, à marcher dans les parcs, à sentir ce petit quelque chose qui annonce le printemps, envers et contre tout. Car ce froid intense n’est qu’un dernier sursaut de l’hiver, avant que la sève ne se mette à remonter dans les troncs et la neige, à fondre doucement… Ce n’est plus tout à fait l’hiver, mais pas encore le printemps – loin s’en faut! Un entre-deux dont je profite pleinement, beauté finale de l’hiver et promesse de renouveau encore lointain. Le renard roux que je croise dans mes promenades et qui prend le soleil avec un air de contentement indéniable, lui, a tout compris.

joli renard roux
à l’affût dans la neige
je suspends mes pas

vague après vague
le vent ronfle dans les pins
immobile, j’écoute

froid piquant
les pommiers en fleurs d’hiver
courbent le dos

Oui, les arbres courbent le dos sous l’assaut du froid et, surtout, sous celui de la neige tombée quelques jours plus tôt. Peut-être la dernière « vraie » chute de l’hiver?

magie blanche
sur les troncs la neige
dessine un monde

matin virginal
sous les caresses du vent
la forêt chante

C’est un tel plaisir pour moi qui aime tellement ces matins d’hiver, quand la neige, épaisse et lourde, colle aux arbres et magnifie tout! Une neige comme un poème qui se dépose sur la réalité, un baume sur nos cœurs et nos corps, une lumière dans nos yeux…
Toute cette blancheur va me manquer, en attendant l’explosion de couleurs du joli mois de mai.

éclat de soleil
entre les branches enneigées
un pic s’envole

la ville en blanc
j’ai soudain des envies
de crème glacée

craquements des branches
dans la tempête blanche
je rêve de mer

De mer ou de fleuve? Là où l’estuaire devient si large, l’eau si salée, les marées si prononcées qu’on ne peut décemment plus parler de simple « fleuve ». Là-bas, là-haut dans ces régions éloignées, si belles qu’elles donnent encore l’impression que tout est possible. Il suffit de rêver.
Mais ici, à Montréal, le rêve se délite bien vite, rattrapé par la réalité. Le territoire n’est plus ce qu’il était ni ce qu’il devrait être…

sloche sur la rue
là-haut dans les montagnes
il neige à plein ciel

Et moi, je nettoie mes chaussures.

     



Les commentaires sont fermés.