Pleins feux sur l’automne

Mes haïkus du quotidien. Comme d’habitude, tous les textes sont Tous droits réservés © Julie Turconi (utilisation ou reproduction interdite sans l’autorisation de l’autrice). Merci!

L’automne s’est installé sur la ville, tout en douceur, à petits pas feutrés. L’air se fait anormalement doux, comme pour nous inciter à aller dehors, à profiter de ces petits moments ensoleillés avant l’arrivée du froid. Les feuilles tombent doucement, en tapis de plus en plus épais que le vent rend presque vivants. Des tourbillons de poussière se lèvent, peut-être le signe d’esprits malicieux se préparant pour l’Halloween? Les couleurs brièvement magnifiées se ternissent, tandis que la fabrique même de l’automne se délite.
Nettement moins rêveurs et beaucoup plus pragmatiques, les animaux, eux, font des réserves pour l’hiver, pendant que la forêt exhale son parfum lourd et entêtant.

l’oiseau aussi léger
que la somme de ses plumes
fleurs dans le vent

petites baies rouges
péché de gourmandise
des merles voraces

gouttes de pluie
une odeur de champignons
emplit les bois

La pluie se fait compagne de ces changements. Elle vient nous rappeler que tout est éphémère et que le monde n’a pas de limites. Le temps est flou et l’eau s’infiltre partout, patiemment, avec entêtement. Je contemple sa persévérance, j’admire sa résilience, et mon esprit dérive au loin.

goutte à goutte
l’humidité pénètre
jusqu’au creux des os

un ciel si bas
sous la voûte des arbres
brillent des gouttes

pluie battante
les mauvaises nouvelles
s’enchaînent

Parfois, la vie semble s’accorder aux éléments, elle se fait plus brusque, comme si elle voulait nous plier en deux pour mieux nous montrer que, tel le roseau de la fable, nous ne cassons pas si facilement. Relever la tête, redresser le dos et avancer, toujours. Ne pas laisser les chocs nous abattre. Après tout, cela fait partie de la vie. Comment apprécier les moments de joie s’il n’y a pas un peu de tristesse pour nous faire réaliser notre chance d’exister dans ce monde si improbable à l’échelle de l’univers?
Le hasard, la magie, l’évolution… tout a bien commencé par un « Grand Boum ».

explosion de couleurs
dans la forêt littorale
le fleuve en feu

immensité du ciel
les montagnes se teintent
de rouge et d’or

Une marche en forêt me ramène sur terre, même si les paysages de l’automne québécois incitent aux rêves les plus fous. La nature est bien le peintre le plus accompli qui soit.
Tous mes sens sont sollicités, et j’aimerais pouvoir figer cet instant pour une (fausse) éternité.

grand ciel bleu
le crépitement de pluie
des feuilles tombantes

chant des huards
le calme du marais
au petit matin

trésor d’automne
la lumière des arbres
sur mon visage

Nul besoin de filtre photographique ici, le sous-bois se pare de couleurs chaudes sous la voûte des feuilles condamnées à bientôt disparaître. La prochaine tempête, le prochain coup de vent, et tout sera fini. L’automne s’étalera à nos pieds, vaincu, pour laisser place à son successeur, tout aussi fugace et insaisissable, image de notre monde impermanent.
Mes pas m’ont menée au bord du fleuve. L’eau clapote doucement sur les berges rocailleuses, en vaguelettes tranquilles, mais sa puissance n’est qu’en dormance et ne demande qu’à s’éveiller.

froncement de nez
de vieilles pommes oubliées
sur la grève

Je fais demi-tour et je regagne ma voiture. Le public m’attend pour un voyage dans un monde onirique, sur les ailes de ma parole.
Là se trouve peut-être mon éternité.

                       



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